Mother
Un film de Teona Strugar Mitevska
Avec Noomi Rapace (Mère Teresa), Sylvia Hoeks (Sœur Agnieszka), Nikola Ristanovski (Père Friedrich), Ekin Corapci (Novice Agatha), Labina Mitevska (Sœur Mercedes), Akshay Kapoor (Docteur Kumar)
Calcutta, 1948. Sœur Teresa (Noomi Rapace) attend la réponse positive du Vatican qui pourrait changer le cours de sa vie: l’autorisation de quitter les Sœurs de Lorette afin de fonder son propre ordre, en réponse à l’appel qu’elle a reçu de Dieu. Dans son couvent, elle devra bientôt choisir celle qui lui succèdera. Il pourrait s’agir de Sœur Agnieszka (Sylvia Hoeks), avec laquelle elle entretient une amitié complice. Mais au moment où son projet est sur le point d’aboutir, un drame moral éclate: une faute impardonnable, aux yeux de Dieu, vient tout bouleverser. Agnieszka trébuche et Teresa vacille. Entre loyauté spirituelle et affection humaine, la future Mère est enfermée dans ses doutes. Commence alors un trouble intérieur qui l’enserre...
Bien au-delà du simple biopic, la cinéaste macédonienne Teona Strugar Mitevska aborde la religieuse et ses contradictions de manière frontale. À la lumière des entretiens qu’elle avait réalisés pour un documentaire avec quatre sœurs ayant connu Mère Teresa, née comme elle à Skopje, la réalisatrice renverse le regard: elle dépouille la figure canonisée de sa sacralité pour en révéler la femme, complexe, fière, souvent dure, parfois perdue. Portée par Noomi Rapace, magistrale dans un rôle tout en tension contenue, Teresa se dresse comme une héroïne à double visage: une femme de son temps à la fois porteuse d’une vision humaniste et prisonnière de ses idées rigoristes. Face à elle, Sylvia Hoeks incarne avec justesse la candeur d’Agnieszka, figure libertaire qui catalyse le drame. Les ambiguïtés de Teresa, comme son opposition à l’avortement et à la contraception, sont renforcées par une bande-son hard-rock et une caméra qui se déchaîne, donnant matière à un film féministe et punk, habilement structuré en sept jours comme autant de chapitres thématiques – les sept jours de la «Création» de Mère Teresa.
Notamment réalisatrice de God Exists, Her Name Is Petrunya et The Happiest Man in the World, Teona Strugar Mitevska poursuit une filmographie fougueuse sur les destins de femmes en lutte contre les inégalités de genre, les traumatismes et les carcans sociaux ou religieux. Avec Mother, elle déconstruit le mythe en alliant respect et subversion, et signe un portrait aussi intime que novateur: celui d’une icône à double visage, martyre et bourreau de sa propre vocation, ni pure ni coupable, mais profondément humaine et attachante.