LE VOYAGE DE L’HORLOGER PIERRE JAQUET-DROZ EN ESPAGNE (1758-1759)

Partir de la Chaux-de-Fonds pour aller jusqu’à Madrid vendre des pendules sophistiquées au roi d’Espagne, tel est le défi relevé par Pierre Jaquet-Droz et son beau-père Abram Louis Sandoz, accompagnés de leur ouvrier Jacques Gervil, en l’an 1758. Le sieur Sandoz raconte dans son journal, au jour le jour, toutes les péripéties vécues, les lieux visités, les sommes dépensées, et décrit, parfois avec étonnement, tout ce qu’il observe. On y rencontre des voituriers engagés sur le chemin, des curés auxquels on vend ses chevaux, des étudiants qui deviennent des compagnons de voyage, des auberges improbables, d’autres horlogers neuchâtelois établis à Madrid, un vieux commerçant de la même région à l’article de la mort et la générosité d’un hôte issu de la noblesse madrilène. On y goûte pour la première fois le chocolat, les tomates, les concombres, on assiste à des corridas pittoresques et sanglantes qui font passer les actuelles pour des moments de douceur, on y voit des pendus, on y rencontre des jésuites bourlingueurs versés dans l’amour de la connaissance et on prie dans les ambassades de Hollande et du Danemark, lieux de refuge pour les protestants.

Ce témoignage unique rend compte à la fois des difficultés du voyage propre à l’époque, mais dresse aussi un tableau coloré des us et coutumes madrilènes d’alors, dans un siècle marqué par les guerres de successions et l’avènement des lumières.

Cette conférence, donnée par Carlos Lopez, ancien conservateur des fonds spéciaux de la Bibliothèque de la Ville de La Chaux-de-Fonds et actuel archiviste cantonal adjoint aux Archives de l’Etat de Fribourg, se veut à la fois immersive et visuelle. Elle a pour but de vous faire voyager tout en vous montrant comment l’histoire est reconstituée à partir de sources parfois difficiles à interpréter. Elle est offerte en marge de la publication du manuscrit d’Abram Louis Sandoz en forme de fac-similé en cours de préparation sous l’égide de la Nouvelle revue neuchâteloise : elle en est un avant-goût tout autant qu’une mise en scène vivante et nostalgique. Le conférencier, de mère neuchâteloise et de père galicien, tente aussi indirectement de conjurer tout autant que de relier les deux pôles culturels opposés qui ont marqué sa vie et forgé son regard sur le monde.